今週の先生:第六週

Sujet de la semaine :
Les niveaux de langue

Ce KNS porte sur le vaste sujet des niveaux de langue en japonais. Tout japonisant même débutant sait que l'on emploie différents dialectes selon la personne à laquelle on s'adresse, la personne que l'on est, la position qu'on adopte, ce dont on parle et comment on en parle, mais la connaissance de tous ces dialectes est extrêmement subtile. Nous n'évoquons donc que quelques aspects de ces différences de langage.

Nous abordons tellement de formes et de constructions que je ne vais pas les lister ici en détail, mais en gros nous parlerons des différences grammaticales entre les niveaux de langue, des méthodes pour choisir quel dialecte utiliser, et de l'épineux problème du « comment doit-on appeler son interlocuteur ? ».

Différents niveaux de langage

Le japonais possède une grande variété de niveaux de langue, mais on en distingue principalement quatre ou cinq : les argots, le langage de base, le langage un peu formel, et le langage poli (敬語【けいご】, Keigo), qui se divise en forme respectueuse (尊敬語【そんけいご】, Sonkeigo) et forme modeste (謙譲語【けんじょうご】, Kenjôgo) [PM].

Influence sur les verbes

Les verbes sont probablement les éléments grammaticaux qui changent le plus en fonction des niveaux de langage. Les adjectifs et les noms aussi se conjuguent, mais on verra ça une autre fois.

Pour le niveau « de base », on utilise le verbe dans sa forme du dictionnaire (Je mange : 食べる【たべる】).

La forme qui suit est plus polie, c'est la forme en 〜ます, que l'on apprend dès ses débuts en japonais. Elle est relativement soutenue, et on l'emploie rarement entre amis. Mais elle est relativement passe-partout, donc il vaut mieux utiliser celle-là que se tromper dans le choix des formes suivantes...

On en vient aux formes polies, le Sonkeigo et le Kenjôgo. Le Sonkeigo est la forme respectueuse, le Kenjôgo est la forme humble. On emploie la forme respectueuse lorsque l'on parle de l'autre, et la forme humble lorsque l'on parle de soi-même.

Le Sonkeigo a plusieurs constructions. Dans le cas général, on a la forme passive d'une part, et l'emploi de la forme お(verbe)に なる d'autre part (qui est un peu plus polie). Ainsi on pourra dire :

Professeur, avez-vous lu cet article ?
先生、この論文を読まれましたか。
せんせい、このろんぶんをよまれましたか。

ou

先生、この論文を お読みに なりましたか。
せんせい、このろんぶんを およみに なりましたか。[PM]

Mais il y a beaucoup de verbes qui posent des exceptions : 行く【いく】, 来る【くる】 et いる deviennent いらっしゃる, する devient なさる, 食べる【たべる】 et 飲む【のむ】 deviennent 召し上がる【めしあがる】, である/です devient でいらっやる, 知る【知る】 devient le très joli 御存知である【ごぞんじである】, et 見る【みる】 devient 御覧になる【ごらんになる】, 言う【いう】 devient 仰っしゃります【おっしゃります】 [PM & LM].

Passons au Kenjôgo, le langage humble. Il n'a pas de forme simple comme le passif du Sonkeigo, mais il a une forme régulière, (verbe)にする [PM].

Et plein de formes irrégulières : 来る→參ります【まいります】, いる→おる, 貰う【もらう】→頂きます【いただきます】, 上げる【あげる】→差し上げます【さしあげます】, 食べる→頂きます【いただきます】, である/です→で御座います【でございます】, 会う【あう】→お目に掛かる【おめにかかる】, 知る【しる】→存じる【ぞんじる】, する→致す【いたす】, 見る→拝見する【はいけんする】, 言う→申します【もうします】, [PM & LM].

Influence sur les adjectifs

Les adjectifs aussi ont des formes différentes suivant le registre utilisé, mais c'est moins sensible et moins usité. Par exemple, en Sonkeigo, un adjectif en 〜い se transformera selon la règle suivante, accrochez-vous c'est pas immédiat.

On prend la forme adverbiale (en 〜く). Comme le mot qui suit est un mot de Keigo (souvent ございます), ce 〜く devient 〜う, à la suite de quoi s'appliquent les transformations suivantes : あう devient おう, いう devient ゆう et えう devient よう (mais il semble que les adjectifs en 〜い se terminant par えい sont très rares). Et on fait précéder le tout par お〜. Ainsi, la forme Sonkeigo de 早い【はやい】 sera お早う【おはよう】, et celle de 遅い sera お遅う【おおそう】 [JLL].

Influence sur les adverbes

Les adverbes ne sont pas en reste et ont aussi des formes Sonkeigo, mais dixit [PM], « hormis お早めに【おはやめに】 (a la place de 早く【はやく】), y'a pas de quoi s'affoler. »

Influence sur les noms

En Sonkeigo, on peut faire précéder les noms de お ou de ご (le kanji est le même 御, mais on l'utilise assez peu). On a tendance à utiliser plus ご que お devant un mot à lecture chinoise (おん-おん), mais c'est pas clair [PM].

Le registre vulgaire

Ce niveau de langue ne se prête pas du tout à l'énoncé de règles, mais ce qu'on peut dire c'est qu'en gros c'est le niveau de base sans les particules et avec une intonation plus traînante, agrémenté de pas mal d'idiomatismes et de dialectes locaux. On trouve souvent de particules non grammaticales en fin de phrase, mais là aussi ça dépend beaucoup des dialectes.

Trucs en vrac

On rencontre en Keigo les transformations どうですか→いかがでしょうか (どう et いかが ont les mêmes kanji 如何, rarement utilisés) et 良い【いい】→宜しい【よろしい】 [PM].

Je, tu, il, elle, vous...

Un autre aspect de la politesse orale rencontrée en japonais est le problème du choix de la forme à utiliser pour désigner une personne. Autant pour se désigner soi-même, que son interlocuteur, qu'une tierce personne. C'est un peu comme la question du tutoiement / voussoiement en français, sauf que le choix est plus vaste.

Moi, je...

Tout d'abord, présentons les candidats : on a les pronoms 私【わたし/わたくし】, 僕【ぼく】, 俺【おれ】 et 自分【じぶん】, suivis de quelques autres un peu particuliers.

En gros, suivant qu'on est un garçon ou une fille, le clivage est assez net [XG]. La forme théoriquement neutre est 私【わたし】, mais elle est en fait assez rarement utilisée.

Lorsqu'on est en entretien formel (par exemple une réunion de travail), on emploiera plutôt la prononciation わたくし de 私, qui est plus formelle et qui permet également de désigner l'entreprise en général. Dans ce cas également, lorsqu'on parle de ce qui a trait à l'entreprise, on utilise 内【うち】.

Pour les filles, on a les formes 私【わたし】 et あたし. Cette dernière est plus mignonne, plus 可愛い【かわいい】. Les filles n'emploieront presque jamais 僕 ou 俺, qui font très mauvais genre (venant d'une fille).

Pour les hommes, le choix est plus vaste : 僕 pour les jeunes (voire les petits garçons), 俺 qui fait déjà plus mâle, et わし pour les vieux ou les Yakuza (genre « Les Tontons flingueurs »). 私【わたし】 est possible, mais plus rare.

自分 signifie littéralement « soi-même », et n'est pas particulièrement connoté (du moins, personne ne l'a signalé comme tel).

On peut aussi parler de soi-même « à la troisième personne », en utilisant son nom et non un pronom.

Et pour finir avec la catégorie « on va jamais s'en servir mais ça fait pas de mal de le savoir » : 拙者【せっしゃ】, utilisé par les Samurai ; 我輩/吾輩【わがはい】, assez poli ; les anecdotiques わい, よ, 乃公【だいこう】 (assez fier de soi), あたい, et les 俺様【おれさま】et このん俺様, utilisés par ceux qui ne se prennent pas pour de simples quidams.

Toi, tu, vous

Dans un ordre de politesse décroissante, on a les pronoms 貴方【あなた】, 君【きみ】, お前【おまえ】, てめえ et 貴様【きさま】[XG]. Les deux derniers sont vraiment vulgaires, donc à déconseiller fermement. Le premier, 貴方, est utilisé pour marquer une certaine distance et un certain respect [PM]. Curieusement, comme l'épouse est supposée montrer de la déférence à l'égard de son mari, c'est aussi cette forme 貴方 qui est utilisée à dans ce cas (le mari utilisera plutôt お前).

君 et お前 sont donc plutôt utilisés dans des relations familières voire intimes. Le problème est que les perceptions qu'en ont les gens diffèrent d'une personne à l'autre, au point que [NS] nous signale que dans une relation amoureuse, certaines filles se vexent d'être appelées 君 et d'autres se vexent d'être appelées お前. Le KNS n'ayant pas pour vocation d'essayer de comprendre la psychologie féminine japonaise, nous conseillons donc la prudence et le feeling (qui ne veint, trois fois hélas, qu'avec l'expérience).

Madame, Mademoiselle, Monsieur

Ici aussi le choix est vaste. Pour désigner monsieur ア, madame イ ou mademoiselle ウ, on fait suivre le nom de la personne par une particule à choisir parmi 〜さま, 〜さん, 〜ちゃん, 〜くん.

Le plus courant est sans conteste 〜さん, qui est assez générique, mais qui comme une lettre-type, manque un peu de sel. On évitera cependant de l'employer avec son supérieur hiérarchique, son professeur, son médecin, etc, qu'on appellera plutôt par leur titre, comme décrit plus bas [Mi].

Lorsqu'on veut mettre plus de respect dans son expression, dans une situation plus formelle, on emploiera plutôt le 〜さま.

Quand au contraire on se place dans un registre familier, notamment entre jeunes, 〜ちゃん et 〜くん sont de rigueur. Les discussions de fllj ont permis de dégager en gros que même si 〜くん est plus employé pour les garçons et 〜ちゃん pour les filles, le contraire arrive assez fréquemment pour qu'on ne puisse ériger en règle la distinction sur le sexe. Même si on n'est pas soi-même jeune, on peut ainsi désigner par アくん une personne qui est plus jeune que soi, ou inférieure hiérarchiquement, ou dont l'arrivée dans la société est plus récente. Dans tous les cas, ces deux suffixes ont une certaine connotation affectueuse ou paternaliste, voire condescendante dans certains cas.

Si on pousse le familier jusqu'à l'intime, on arrête d'employer ces particules. On utilise alors soit directement le prénom de la personne, soit un 渾名【あだな】 (surnom ou diminutif) [XG].

[ÉC] nous signale que 〜ちゃん est à l'origine une déformation enfantine de 〜さん, et qu'on rencontre parfois (très rarement) un 〜ちゃま dérivant de 〜さま sur le même modèle. Ce 〜ちゃま reste enfantin, et désigne une personne qu'un adulte aurait appelée 〜さま, par exemple un vieil oncle. Le même (ÉC] note également que 〜ちゃん suit plus naturellement le prénom que le nom, alors que 〜さん et 〜くん suivent plus souvent le nom de famille.

[LM] remarque en outre que l'emploi de 〜ちゃん semble moins lié à l'âge qu'à une volonté d'intégration au groupe.

Maître, chef, patron, client

On désigne assez souvent les personnes par leur titre ou leur situation. Ainsi, suivant le niveau hiérarchique du chef dont on parle, on le désignera par 社長【しゃちょう】, 課長【かちょう】, 会長【かいちょう】 ou 部長【ぶちょう】. S'il s'agit du professeur on l'appellera naturellement 先生【せんせい】, même si on a tendance à utiliser ce mot pour désigner simplement quelqu'un qui sait (professeur ou pas). Dans les magasins, les clients sont appelés お客さま【おきゃくさま】. Cet emploi se fait aussi bien lorsque l'on parle de la personne concernée que lorsqu'on lui parle directement.

Et lui alors ?

Pour parler d'une tierce personne, il faut se fixer comme règle de ne pas trop en faire. Même si 彼【かれ】 et 彼女【かのじょ】 se traduisent littéralement par « il/lui » et « elle », ils ont une certaine connotation de « mon petit ami » ou « ma petite amie ». Et même quand ce n'est pas perçu comme portant une relation intime, leur emploi est aussi lourd que le serait l'utilisation de « celui-là » en lieu et place de « il » en français. À éviter donc, sauf s'il s'agit précisément de désigner une personne (ou qu'il s'agit effectivement de son amoureux(se)).

Trucs en vrac

[PM] propose une méthode simple pour éviter quelques gaffes et incidents : lorsqu'on n'est pas sûr de quel pronom convient le mieux pour désigner son interlocuteur, on peut remplacer ce pronom par la « troisième personne », en utilisant la forme en 〜さん. C'est même plus poli, dit-il.

Conclusion

Certes, c'est complexe. Certes, il y a de quoi s'y perdre. Mais ça vaut le coup de s'y plonger. Il paraît que les étrangers maîtrisent mieux le Keigo que les jeunes Japonais, donc ce ne doit pas être si difficile que ça. Et si ça l'est, on se consolera en apprenant que certains magazines japonais déconseillent à ces jeunes Japonais l'utilisation du Keigo lors des entretiens d'embauche et préconisent l'emploi de la forme de base, avec laquelle ils risquent moins de faire d'impairs.


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Dernière modification : $Date: 2000/07/05 22:06:19 $